Aujourd’hui, Bloomsbury est connue avant tout comme la première maison d’édition qui ait accepté de publier le Harry Potter de J. K. Rowling. Forte de ce succès, Bloomsbury est devenue un empire international, mais son fondateur n’imaginait pas un tel succès à sa création.
Né en 1955 aux Etats-Unis, Nigel Newton fait des études de littérature anglaise à l’Université de Cambridge avant de débuter sa carrière dans l’édition. Il est chef des ventes chez Macmillan, l’une des cinq plus grandes maisons d’édition du Royaume-Uni, lorsqu’il décide de fonder sa propre maison. Newton choisit pour sa future entreprise le nom de Bloomsbury, qui lui vient du quartier londonien du même nom, dans lequel résident la plupart des grandes maisons d’édition anglaises.
Lorsqu’il imagine ce projet en 1984, Nigel Newton rêve d’une entreprise à taille humaine, indépendante des grands groupes existants, qui deviendrait la niche d’une littérature de l’excellence et de l’originalité. Il ne faudra toutefois pas plus de dix ans pour que l’entreprise entre en bourse et entame son essor international. Suite au succès de la publication du roman Harry Potter and the Philosopher’s Stone en 1997, Bloomsbury USA voit le jour en 1998. En 2008, c’est au Qatar que l’entreprise s’implante, puis en Inde quatre ans plus tard. Aujourd’hui, Bloomsbury compte plus de 25 filiales et elle est l’une des plus grandes maisons d’édition du monde – bien loin du projet initial de Nigel Newton.
Compte tenu de sa taille importante, Bloomsbury publie tous types de livres : littérature universitaire, jeunesse, éducation, fiction et non-fiction. Son site actuel comporte même une catégorie Harry Potter, dans laquelle on retrouve toutes les éditions de la saga.
Désormais, Rowling n’est plus liée à la maison Bloomsbury pour ses autres romans. Newton poursuit son succès éditorial grâce à une nouvelle autrice phare : Sarah J. Maas. On la trouve même posant avec la première édition d’Harry Potter à l’école des sorciers, preuve du fil rouge qui lie Rowling et Maas. Peut-être aura-t-elle aussi bientôt droit à sa propre catégorie dans le catalogue de Bloomsbury. La romancière américaine accède à la célébrité en 2010 grâce à sa série fantasy Le Trône de Glace et elle devient la vedette de la maison Bloomsbury.
Nigel Newton lui-même a récemment fait parler de lui : en 2020, il reçoit le London Book Fair Lifetime Achievement Award pour l’ensemble de sa carrière. À cette occasion, le festival du livre de Londres fait l’éloge de Newton en ces termes : « Depuis les débuts de Bloomsbury Publishing […] Nigel Newton est devenu très respecté en tant qu’éditeur visionnaire, doté d’une influence mondiale. Il […] a conduit Bloomsbury d’une start-up avec un investissement initial de moins de 2 millions sterling à la bourse de Londres en 1994, à une capitalisation boursière de plus de 200 millions sterling aujourd’hui »
Un an plus tard, Newton reçoit le titre honorifique de Commander of the Order of the British Empire (CBE) pour services rendus au monde de l’édition anglais. Il s’agit de la plus haute distinction littéraire anglaise, semblable au titre français de Chevalier des Arts et des Lettres. Enfin, Newton a été élu cette année président de la Publishers Association à la suite de David Shelley, directeur de Hachette UK. A cette occasion, Newton a prononcé un discours sur la dépendance de l’édition aux plateformes en ligne. Selon lui, ces dernières sont un danger à la fois pour lecteurs, les auteurs et les éditeurs. [2] On observera toutefois qu’il est aisé de trouver les titres de Bloomsbury sur toutes les grandes plateformes de vente en ligne – la maison pratique par ailleurs la vente en ligne à partir de son propre site internet.
La carrière de Newton peut donc paraître étonnamment circulaire et paradoxale : en cherchant à échapper aux géants de l’édition anglaise, il a fondé une maison qui se voulait à taille humaine, mais qui est elle-même devenue l’une des plus grandes d’Angleterre.
Louis Raguenet
Master Métiers de l'Édition - Strasbourg 