Une touche de féminisme à la Maison de la Poésie

Dans le Marais, passage Molière, se cache la Maison de la Poésie. Sponsorisé notamment par le CNL et la Mairie de Paris, ce projet est installé dans l’ancien théâtre Molière depuis 1995. Cependant, c’est uniquement depuis l’arrivée d’Olivier Chaudenson à la direction, en 2013, que la Maison de la Poésie a pris sa forme actuelle. Celle-ci ne fonctionne plus uniquement comme un théâtre, mais offre des rendez-vous réguliers – devenant ainsi une vraie maison pour les auteurs (et autres artistes) et leur public. La Maison de la Poésie organise donc des ateliers, des rencontres, mais surtout une littérature “live”, proposant des scènes musicales et notamment une façon de découvrir un texte porté autrement, par la scène, la voix, la musique, l’image, l’écran… Jean-Louis Aubert, Sylvain Tesson, Feu! Chatterton et Michel Houellebecq se côtoient donc sur la liste des artistes et auteurs à la programmation de la Maison.

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La Maison de la Poésie, passage Molière. Crédits : Échappée Belle Paris.

Le projet propose donc des rencontres ponctuelles, avec auteur, traducteur, éditeur… mais également des rendez-vous réguliers, comme celui de l’Histoire du vertige ou de l’Édition Alternative. Nous étions présent le jeudi 27 avril pour la douzième soirée du cycle Édition Alternative, proposé par Jean-Luc d’Asciano des éditions L’oeil d’or. Chaque soirée permet la présentation d’une “petite” maison d’édition indépendante, qui met alors en avant sa spécificité à l’aide de lectures et de coupures musicales.

Cette douzième édition du cycle accueillait les éditions iXe, dirigées par Oristelle Bonis. La soirée était animée par Jean-Luc d’Asciano et la présentation d’une partie du catalogue fut ponctuée de lectures par les comédiennes Thissa d’Avila Bensalah et Emeline Schrub. Chaque extrait était enfin suivi d’un intermède musical, avec Natalia N’Rouve à l’accordéon et Isabelle Marchand à la guitare électrique.

Photo billet maison de la poésie
Billet de la soirée du 27 avril

Après avoir notamment travaillé plusieurs années pour la collection La Bibliothèque des Femmes à L’Harmattan, Oristelle Bonis crée les éditions iXe, maison chapeautée par l’association L’inconnue de l’équation, en 2010. Le choix du nom de la maison d’édition est en effet lié à l’inconnue de l’équation, x en algèbre, qui pose la question du neutre dans la perception de l’écriture et dans le langage. Oristelle Bonis présente « la lettre sous laquelle [la maison] s’affiche exprime l’anonymat, le classé secret ou classé obscène, l’indifférenciation et la multiplication, le sexe, la sexualité, la potentialité de la sexuation.» Maison d’édition féministe, les éditions iXe veulent notamment questionner l’utilisation de la grammaire. Cette volonté s’exprime par exemple par la publication de L’académie contre la langue française (2016) ou Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! (2014), dont Thissa a lu des extraits, mais également dans l’application de la règle de proximité. Les éditions iXe invitent en effet leurs auteur-e-s à appliquer cette règle qui accorde en genre, et en nombre, l’adjectif, le participe passé et le verbe avec le nom qui les précède ou les suit immédiatement, refusant la classique règle du masculin l’emportant sur le féminin.

éditions ixe règle de proximité
Page liminaire de Sexus nullus, ou l’égalité

Les ouvrages cités précédemment s’inscrivent dans la collection xx-y-z, qui s’intéresse aux glissements du genre, leurs effets de brouillage ou de surdétermination des catégories de sexe. La maison d’édition proposent quatre autres collections : racine de ixe pour des textes féministes théoriques, ixe prime qui compte des fictions, fonctions dérivées pour des témoignages et autobiographies, et la petite ixe qui compile de cours textes. Le texte Loin de chez moi, mais jusqu’où ? (2012) de Pinar Selek, présenté lors de cette soirée, s’inscrit par exemple dans cette dernière collection. La réfugiée politique d’origine turque, devenue amie d’Oristelle Bonis, s’y livre sur la souffrance attachée à l’exil, pourtant parfois synonyme de liberté. La publication de ce petit ouvrage reflète un engagement politique, intrinsèquement lié à la nature même d’une maison d’édition féministe, souvent fondée après des années de militantisme.

Cette soirée s’est terminée sur la présentation du nouveau livre de Thierry Hoquet, auteur précédemment publié par les éditions iXe, avec Sexus Nullus, ou l’égalité (2015). Déicide, ou la liberté, disponible en librairie depuis le 28 avril, est une suite de la fiction publiée il y a deux ans. L’envie égalitaire d’Ulysse Riveneuve, dont nous avons pu suivre les rebondissements pour l’effacement total de la mention du sexe à l’état civil, se retrouve face à un nouveau défi. Ulysse enlevé par les extrémistes du Font œcuménique du Salut, sa cause doit s’en remettre à Karine Dubois pour lutter contre les religions, dont le retour en force menace à nouveau les avancées du combat féministe. Avec ce livre, Thierry Hoquet dit vouloir renoncer à la naïve facilité présentée dans Sexus Nullus, pour s’attaquer à Dieu, aux Dieux, première(s) source(s) du besoin de différenciation entre les sexes. L’effacement du charismatique Ulysse Riveneuve permet également d’approfondir la dimension féministe, en invitant un personnage féminin au centre de l’intrigue.

La présentation des éditions iXe ce soir là fit salle comble, et nous souhaitons à cette initiative autant de succès dans la poursuite de cette aventure féministe. Vous pouvez les retrouver sur facebook, twitter, ou leur site internet.

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